Depuis quelques semaines, l’opinion nationale est submergée par un sujet d’intérêt général. Si la question de l’évolution de la Constitution d’un pays doit importer aux citoyens, bien plus cela est du rôle des parlementaires de poser le vrai débat. Ce débat peut prendre plusieurs formes et angles. L’essentiel est le fait que le sujet soit posé sous un angle et suscite le débat, dans le respect de la procédure parlementaire.
Au Togo donc, un débat de quartiers sur l’introduction d’une proposition d’amélioration de la Loi fondamentale fait le choux gras des discussions et échanges. Un groupe de député serait porteur d’une initiative en vue d’une révision constitutionnelle.
Selon nos informations, cette démarche trouverait son ancrage dans le cadre de l’évolution constante de notre société. Bien plus elle voudrait tabler sur la nécessité d’adapter la gouvernance aux défis du moment, en vue de rechercher des solutions innovantes et collaboratives pour renforcer la démocratie en marche et promouvoir une gouvernance plus inclusive.
Dans un exercice pédagogique, nous interrogerons dans un premier temps le rôle de la constitution, l’opportunité d’adaptation de la constitutions à nos réalités africaines et togolaises.
Le rôle de la Constitution
Le fonctionnement politique d’un pays est régi par la Constitution qui consacre des droits, des libertés fondamentales, établit des règles juridiques qui organisent les institutions et l’État. De manière générale, elle définit les règles de fonctionnement d’un régime politique, qu’il soit démocratique, monarchique ou encore tyrannique. Elle peut également être révisée, par des apports, des retraits ou encore des transformations, mais les conditions de cette révision varie selon les pays avec une différence de souplesse. Elle stipule alors les différents rôles et pouvoirs des institutions mais aussi des élus, ainsi que les conditions de leur exercice.
De la nécessité d’adapter les Constitutions à nos réalités
D’entrée, il faut noter que l’exercice du pouvoir politique aujourd’hui en Afrique est sujet non seulement à de nombreuses appréciations mais est surtout lié à des problèmes, à des questions relatives aux Constitutions et notamment au mandat présidentiel.
Les politiques africains, dans leur grande majorité commettent bien souvent l’erreur de ne pas questionner la sociologie africaine en abordant les sujets relatifs aux constitutions et à ses pratiques dans nos pays. Il se pose alors une question de l’adéquation des constitutions avec la sociologie africaine.
Ceci faisant, il urge de mener la réflexion sur les constitutions africaines et la sociologie des peuples africains. En faisant cet exercice, nous chercherons à savoir si les constitutions africaines sont-elles adaptées au contexte africain de nos jours ? Doit-on faire adopter les constitutions africaines en faisant abstractions des réalités africaines qui sont les nôtres ?
En posant jadis l’Afrique comme un laboratoire dans l’élaboration des Constitutions, il est donc indéniable qu’on parvienne par une dynamique basée sur la sociologie africaine, qu’on arrive à adapter fondamentalement, systématiquement et même manifestement les constitutions aux vécus des peuples africains et surtout que les mandats présidentiels soient réanalysés, en tenant compte d’un certain nombre de critères nécessaires à la paix et à la sécurité publique.
Une proposition de loi de révision constitutionnelle suscite débat au Togo
Le 26 décembre 2023, un groupe de députés a introduit une proposition de loi de révision constitutionnelle au Parlement.
« Trois décennies après l’adoption de la Constitution du 14 Octobre 1992, les enjeux actuels et futurs de notre pays ont connu maintes mutations, mettant en lumière la nécessité d’adapter notre cadre constitutionnel aux réalités et aspirations actuelles de notre peuple » a exposé le groupe de députés dont le porte-parole est madame ANATE Kouméalo.
Pour les initiateurs de cette proposition de loi de révision constitutionnelle, leur démarche est motivée par trois piliers, à l’instar du socle tripode des fourneaux séculaires de nos contrées. A savoir, selon eux : le renforcement de la démocratie et de la séparation des pouvoirs, l’amélioration de la stabilité gouvernementale et l’adaptation aux évolutions sociopolitiques du pays.
Pour ce qui est du renforcement de la démocratie et de la séparation des pouvoirs, le groupe des députés soutient que sa proposition s’inspire du besoin d’instaurer un équilibre plus marqué entre les pouvoirs législatif et exécutif. En conférant au parlement un rôle central dans la désignation du Gouvernement, le groupe à ANATE Kouméalo estime « favoriser une gouvernance plus représentative et réactive aux volontés des citoyens, tout en renforçant la responsabilité et la reddition des comptes ».
En ce qui concerne l’aspect de l’amélioration de la stabilité gouvernementale, le groupe de députés affirme que le but recherché par sa proposition « est de mettre en place un régime qui offre une plus grande stabilité politique et gouvernementale, en permettant la formation d’un gouvernement qui reflète les majorités parlementaires. Cela réduit les périodes de vacance du pouvoir et assure une continuité plus fluide dans la mise en œuvre des politiques publiques ».
Argumentant le troisième pilier, l’adaptation aux évolutions sociopolitiques du pays, les initiateurs de la proposition de loi de révision constitutionnelle affirme que « notre pays a connu des transformations majeures qui appellent à une réflexion profonde sur notre modèle institutionnel ». Ils soutiennent que « la volonté populaire exprimée à travers différentes élections et consultations, plaide en faveur d’un système plus inclusif et participatif ». Avant de conclure que leur « proposition vise l’instauration d’un régime politique favorisant une plus grande implication des citoyens dans la vie politique et dans les processus décisionnels ».
Pour dame ANATE Kouméalo, porte-parole du groupe de députés, « notre proposition de loi de révision constitutionnelle constitue une précieuse opportunité de discuter de la forme la plus appropriée de gouvernement pour notre pays, à ce stade de son développement. Elle vise à poser les bases d’une gouvernance qui garantisse une représentation fidèle de la volonté du peuple togolais, tout en assurant la stabilité et l’efficacité nécessaires à notre progrès économique et social ».
Une audace de députés, signe d’une vitalité
L’initiative du groupe de députés d’introduire une proposition de loi de révision constitutionnelle rentre dans l’ordre normal de leur rôle et fonction de parlementaires mais constitue dans une autre mesure une audace qui témoigne de la vitalité de notre démocratie et de la volonté des députés togolais de contribuer activement à l’évolution de notre cadre constitutionnel. En suscitant réflexions et débats constructifs, pas ceux de quartiers ou de chapelles d’intérêts.
Pour preuve, en s’appuyant sur les principes démocratiques et les dispositions de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992, les initiateurs à travers cette proposition entendent impliquer l’ensemble des citoyens dans le processus de décision, assurant que toute modification constitutionnelle soit le reflet de la volonté collective.
Et si la proposition de révision ne recueille pas l’approbation des députés à la majorité qualifiée ?
Conformément à notre Constitution, si la proposition de loi de révision constitutionnelle introduite au Parlement par le groupe à Mme ANATE Kouméalo ne recueille pas l’approbation des députés à la majorité qualifiée des quatre cinquièmes, elle sera soumise au référendum. Cette étape potentielle souligne l’importance accordée à la participation directe du peuple togolais dans les décisions fondamentales, garantissant que les changements envisagés bénéficient d’un large soutien populaire.
Pour rappel, dans nos précédentes parutions, nous tablions sur la nécessité d’adapter les constitutions africaines aux réalités africaines. En ce sens qu’aujourd’hui, exercer un pouvoir politique sans être confronté à des problèmes, à des questions relatives aux Constitutions et surtout au mandat présidentiel relèverait du surnaturel.
Et une autre gaffe des politiques en Afrique serait de manquer de questionner la sociologie africaine lorsqu’ils abordent des sujets assez sensibles relatifs aux constitutions et à ses pratiques dans nos différents pays.
Une question fondamentale préoccupe aujourd’hui tout citoyen. C’est celle de l’adéquation des constitutions avec la sociologie africaine, étant donné que beaucoup de difficultés sont citées à ce jour, dans les pays africains surtout francophones, en ce qui concerne l’exercice du pouvoir politique avec les renversements des Gouvernements ou les coups d’Etats. Des coups d’Etats célébrés dans certains coins par certaines catégories de personnes entre euphorie saisonnière et ignorance absolue des valeurs démocratiques.
Crédo TETTEH