Hier mercredi a eu lieu dans un hôtel de la capitale la présentation du livre : « Togo, démocratie impossible ?» de Jonas Siliadin, ancien militant du Rassemblement du Peuple Togolais, exilé depuis 2002 en France. Cet événement qui a réuni la crème de poètes togolais avec à leur tête Me Joseph Kokou Koffigho, mais aussi des leaders politiques et des historiens, a eu le mérite de révéler au grand jour les tares des principaux acteurs politiques togolais… tout en préconisant une porte de sortie de crise pour un Togo viable et enviable.
Paru fin mars 2014 aux éditions Harmattan, ‘’Togo, démocratie impossible ?’’ Selon son préfacier Tino Agbélenko Dogolo, « aura le don de faire école, en ce qu’il nous extirpe de l’enferment pour nous projeter dans l’avenir ». Cet ouvrage de 150 pages, répartie en cinq sous-thèmes essentiels, est une « exhortation à faire œuvre de Janus en apportant un regard croisé entre le passé et l’avenir pour rendre possible la transmutation ».
En effet, les débats politiques étant devenus trop arides et les sentiers arpentés pour une sortie de crise s’étant rétrécis dangereusement, il était alors devenu vital de trouver « une grille de lecture nouvelle, totalement différente de celle par laquelle nous appréhendons les événements d’ordinaire ».
Et l’ancien membre actif du défunt Rassemblement du Peuple Togolais, Jonas Siliadin qui se taille actuellement une place au soleil dans l’Hexagone, a certainement trouvé la formule magique qu’il faudrait inoculer aux acteurs politiques togolais pour les réveiller de leur long et lourd sommeil afin qu’ils effacent leur personne devant l’intérêt national.
Selon l’auteur, « les difficultés de notre pays à asseoir la démocratie résultent d’un ensemble de faiblesses et d’erreurs individuelles et collectives, qu’une façon nouvelle d’aborder les problèmes et une méthode rigoureuse de construction des solutions peuvent nous aider à corriger ». Sans langue de bois, l’ancien élève du Collège St Joseph de Lomé, Jonas Siliadin, cite « la fragilité de la nation togolaise, la perfectibilité de notre culture politique, la partialité de l’armée, l’absence de séparation des pouvoirs et d’une justice indépendante, l’hostilité du régime RPT-UNIR à la démocratie, les difficultés internes de l’opposition démocratique, la ‘’façon togolaise’’ d’aborder les problèmes et la dérive mystico-religieuse », comme étant les ingrédients qui retardent l’avènement d’un Togo nouveau et rayonnant pour tous ses fils et filles.
Jetant la pierre aux Togolais dans leur ensemble, Jonas Siliadin relève que « nous, Togolais portons un grand intérêt à la politique ; chacun de nous a sa vision des choses, ses analyses, ses stratégies et ses convictions ». Il ironise qu’«il y a au moins un million de Premiers ministres et autant de Présidents de la République au Togo ». Mais le hic, selon lui, c’est que « malheureusement, très peu d’entre nous, ont une culture politique, c’est-à-dire une bonne compréhension du rôle de la politique, de ses mécanismes, de ses limites et de ses particularités, notamment par rapport à la religion ou à la morale ».
Cette faiblesse qui tire son origine de notre passé politique commun, est renforcée par une certaine «vision de la politique qui a pour essence l’imagination et le ressenti ».
Cette situation malencontreuse est consolidée par le fait qu’ici, « les partis politiques ont presque toujours le visage d’un homme : son fondateur », bref « la préséance de l’homme sur la structure », a longtemps enfermé le jeu politique dans un carcan des relations personnelles, poussant parfois même les Togolais « à se réfugier derrière ces prismes déformants »…
L’autre pan de l’histoire togolaise racontée au public par Jonas Siliadin, est entre autres les difficultés de l’opposition togolaise liées d’abord aux divisons internes et aux querelles de personnes mais également à l’absence d’une stratégie politique aboutie, conçue et déclinée avec méthode. Cette opposition qui se plait dans des comportements contreproductifs et pro-cycliques, devrait faire œuvre utile en organisant des assises cathartiques pour converger leurs énergies en vue de réaliser l’alternance politique tant désirée.
Au parti au pouvoir, l’auteur de cet ouvrage demande de travailler avec la jeune génération de militants, notamment les cadres du parti UNIR issus de grandes universités occidentales et à même d’assimiler et de traduire dans les faits, les exigences démocratiques. Pour lui, Faure Gnassingbé deviendrait un héros s’il prenait le courage d’organiser une conférence nationale bis, afin de permettre à ceux qui avaient des idées salvatrices et non calculatrices, de bien orienter les débats en vue de réconcilier les Togolais avec eux-mêmes, tout en gardant un regard positif sur notre avenir commun.
La grande muette, l’armée irréprochable à l’échelle internationale, devrait, au plan interne, penser à se positionner comme « garant du cadre républicain et de la démocratie ».
Jean-Pierre Bawéla