L’ITIE-Togo a rendu publique le 31 décembre 2014 le rapport de conciliation des paiements et des recettes du secteur extractif au titre de l’année 2012. C’est la 3ème fois que le Togo publie un rapport depuis son adhésion. Les deux précédents rapports couvraient les années 2010 et 2011. Pour le 3ème rapport qui prend en compte l’année 2012, il est à signaler que les recommandations issues du rapport de 2011 n’ont pas été mise en œuvre dans leur majorité. Ce qui est tout à fait déplorable et suscite des interrogations sur la recherche d’amélioration, de perfection et d’excellence dans le processus ITIE au Togo. Ajouté à tout cela, l’énorme écart de près de 2 Milliards de francs CFA entre les chiffres déclarés par les industries extractives et ceux déclarés le Trésor Public.
L’initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) est une initiative volontaire qui vise à renforcer, dans les pays riches en ressources pétrolières, gazières et minières, la gouvernance des revenus publics issus du secteur extractif. Le Togo a adhéré à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en 2010 et a obtenu le statut de pays conforme le 22 mai 2013. Cela signifie que le Togo dispose d’un processus efficace pour la publication et le rapprochement de tous les revenus du gouvernement issus de son secteur extractif. L’ITIE-Togo est mise en œuvre conformément aux dispositions du Décret n°2010-024/PR du 30 mars 2010 portant création, attributions, composition, organisation et fonctionnement des organes de mise en œuvre de l’ITIE au Togo.
Parlant du suivi des recommandations de 2011, dans le rapport 2012 de conciliation rendue publique le 31 décembre 2014 qu’il est à déplorer que des efforts sensibles n’ont pas été fait pour améliorer le processus.
De la Problématique des codes en douane
A ce niveau, et selon le conciliateur Moore et Stephens LLP, lors de leurs travaux de conciliation des recettes de la Direction Générale des Douanes (DGD) pour l’année 2011, il a été constaté que des sociétés ayant déjà des codes en douane pouvaient effectuer les opérations de dédouanement en utilisant un code occasionnel “9999”. Aussi existaient-ils des sociétés qui procèdent au dédouanement de leurs marchandises en utilisant le code en douane d’autres sociétés. Toujours selon le rapport du conciliateur, il a été relevé que la société Corlay fournisseur de la société BB- Eau Vitale a utilisé le code en douane de son client pour le dédouanement de ses importations. En somme, aucune amélioration n’a été constatée par rapport à cette recommandation.
De l’absence d’une base de données des entreprises opérant dans le secteur extractif
Concernant cette recommandation, aucune amélioration n’a été également constatée. Pour preuve, le Secrétariat technique de l’ITIE ne dispose pas d’une base de données à jour contenant les entreprises opérant dans le secteur extractif ainsi que tous les documents juridiques (statuts, actionnariat, convention, avenants), financiers (états et rapports financiers), et techniques (état de production, statistiques du secteur) relatifs aux dites sociétés.
De l’absence de suivi des sociétés dans lesquelles l’Etat détient une participation
Selon le rapport de conciliation, conformément à l’Article 55 du Code Minier promulgué par la loi, le gouvernement prend une participation gratuite de dix pourcent (10%) du capital de l’investissement dans les activités extractives à l’exception des activités artisanales. De l’intervention du conciliateur, le constat a été fait que les autorités compétentes ne détiennent pas une liste exhaustive de ces participations et ne procèdent pas au suivi des résultats et des réalisations des sociétés dans lesquelles ils détiennent les dites participations. A ce stade, l’on peut dire que cette recommandation a été partiellement mise en œuvre.
Comme actions entretenues dans ce sens, le conciliateur dans le cadre de ses travaux de cadrage a reçu une liste des sociétés dans lesquelles l’Etat détient une participation. Toutefois, le suivi des revenus provenant de ces participations n’est pas encore mis en place, selon les observations du conciliateur.
Base de données des administrations
Il a été constaté que les administrations togolaises notamment le Commissariat des Impôts (CI) et le Commissariat des Douanes et Droits Indirects (CDDI) ne sont pas en mesure d’identifier les sociétés extractives ayant des identifiants fiscaux ou des codes en douane. En effet, il a été relevé l’existence de sociétés minières (Silverhill Entreprises Ltd et Global Merchants) disposant de titre minier encours et non immatriculées à la CDDI sans oublier l’absence de coordination entre la DGMG et les différentes régies financières collectrices de taxes.
Dans le cadre des travaux de conciliation de 2012 il a été également relevé l’existence de plusieurs sociétés minières disposant de titre minier ou des codes en douane. Les sociétés minières Silverhill Entreprises Ltd et Global Merchants disposent de titre minier encours et non immatriculées au CDDI. L’absence de coordination entre la Direction Générale des Mines et de la Géologie (DGMG) et les différentes régies financières collectrices de taxes fut aussi relevée.
Tableau des opérations financières de l’Etat
Le constat fait à ce niveau indique que le tableau des opérations financières de l’Etat ne prévoit pas une ligne spécifique pour les revenus issus du secteur extractif. Et par rapport aux recommandations de 2011, aucune amélioration n’a été constatée.
Traçabilité insuffisante des paiements infranationaux
L’analyse du mécanisme de transfert par la CI des taxes collectées au profit des collectivités, selon le rapport 2012, révèle que la rétrocession des revenus extractifs aux communes et aux riverains est effectuée d’une manière globale sans spécification de la nature du revenu ni de la société extractive concernée. A ce niveau également, aucune amélioration n’a été constatée.
Une digression des revenus du secteur extractif
Les revenus issus du secteur extractif ont passé de 64 millions à 31 millions de dollars. Cette diminution est expliquée par le traitement spécifique appliqué aux sociétés ayant une activité principale autre qu’extractive et dont la contribution a été limitée, en 2011, aux seules taxes spécifiques à l’activité. Ce traitement a été retenu par le Comité de Pilotage afin de ne pas majorer la contribution du secteur extractif dans les recettes de l’Etat.
Près de 2 milliards de FCFA passés sans traces
Selon l’ITIE-Togo, dans son petit commentaire sur son site internet à l’issue de la publication de son rapport au titre de l’année 2012, il ressort que la contribution des industries extractives dans le budget de l’Etat au cours de l’exercice 2012 s’élève à 15 815 999 921 F CFA, représentant la somme des revenus collectés par les régies financières de l’Etat togolais au titre de l’exploitation des ressources minières, pétrolières et gazières. Au cours de l’exercice de réconciliation des données, les entreprises ont déclaré avoir payé à l’Etat 17 511 281 197 F CFA tandis que les agences gouvernementales déclaraient avoir perçu pour le compte de l’Etat 15 750 825 219 F CFA. L’ajustement des déclarations ont révélé un écart résiduel de 1 760 455 978 F CFA. La déclaration unilatérale de l’Etat a dégagé 65 174 702 F CFA.
Précisons qu’en dehors du montant enregistré au Trésor public, les entreprises extractives ont déclaré avoir contribué de diverses manières au développement socio-économique des milieux d’exploitation minière sur toute l’étendue du territoire national pour un montant total de 58 075 976 F CFA. Ce qui porte à 15 875 075 897 F CFA, la contribution du secteur minier au développement économique du pays selon les déclarations des revenus telles que reportées par les agences gouvernementales et les industries extractives.
Notre pays le Togo a été déclaré ” pays conforme ” la 6e Conférence mondiale de l’ITIE organisée à Sydney en Australie en mai 2013 par le Conseil d’Administration de l’ITIE Internationale. Le Togo était l’un des rares pays à avoir accompli la mise en œuvre du processus dans le strict respect du délai fixé par le Conseil d’Administration de l’ITIE internationale.
Rappelons également que le processus ITIE-Togo avait connu des soubresauts en fin d’année 2014. Ce qui avait amené la Représentation de la Banque Mondiale dans notre pays à faire des observations et des recommandations en vue de parfaire le processus et surtout afin d’éviter des conflits et encourager la bonne gouvernance, les bonnes pratiques à la Coordination nationale de l’ITIE-Togo.
A suivre…
Crédo TETTEH