Depuis hier, les experts de l’économie et des finances publiques de l’Union Africaine se penchent sur la dette publique des pays africains. « L’Agenda africain de gestion de la dette publique : restaurer et préserver la viabilité de la dette », c’est autour de ce thème que les discussions seront menées pendant les 3 jours de la rencontre de Lomé.
Il faut le savoir, la dette des pays africains est estimée actuellement à 1600 milliards de dollars US, représentant plus de 66% de leur PIB. Le continent est sous perfusion et il faut parer au plus pressé. A l’ouverture du sommet, le Président du Conseil Faure Gnassingbé a relevé que plus de vingt pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse ou à haut risque. Il s’est posé une série de questions sur ce qu’est véritablement une dette soutenable, sur ce que signifie la souveraineté financière, et sur les responsabilités partagées – en Afrique et au-delà.
Pour le Président du Conseil du Togo, plus de vingt pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse ou à haut risque. Alors même que les besoins de financement des pays sont immenses, urgents et légitimes. « Pourtant, depuis 20 ans, nos États ont fait des efforts considérables. Nous avons engagé des réformes de bonne gouvernance, renforcé nos systèmes de gestion publique, amélioré la transparence budgétaire. Et malgré cela, en 2024, l’Afrique a déboursé plus de 160 milliards de dollars pour le service de sa dette. Soit bien plus que ce qu’elle consacre à ses systèmes de santé ou d’éducation », a fait observer Faure Gnassingbé.

Pour l’autorité togolaise, les cadres d’analyse de la dette aujourd’hui en vigueur sont largement obsolètes, voire contre-productifs. Il soutient que les indicateurs sont inadaptés, les modèles trop conservateurs, et les critères de soutenabilité tiennent plus de l’automatisme technique que du bon sens politique. « On ne peut plus continuer à appliquer une telle grille conservatrice quand nos pays sont, en réalité, confrontés à des obligations de transformation urgente. Il faut donc discuter avec les institutions financières internationales des critères qu’elles utilisent », dit-il, estimant que pour cela, l’Afrique a besoin d’une nouvelle doctrine sur la dette. Une doctrine où l’endettement n’est pas considéré comme un mal en soi, mais comme un outil de transformation, à condition d’être bien utilisé et bien encadré. « Nous ne pouvons plus accepter que nos États soient évalués uniquement à travers la taille de leur déficit, et sans tenir compte des efforts réalisés pour préparer l’avenir », a martelé Faure Gnassingbé.
Le dirigeant togolais en appelle alors à une solidarité continentale. Selon lui, une dette isolée, gérée pays par pays, sans vision continentale, conduit à l’impasse. En revanche, une dette organisée, appuyée par des institutions régionales solides, et orientée vers des projets structurants communs, peut devenir un moteur d’intégration et de croissance. C’est pourquoi la question de la dette n’est pas uniquement une question de chiffres. C’est d’abord une question de choix collectifs. Il estime que la vraie solution est politique : c’est la définition d’une stratégie collective. « C’est à nous, Africains, de définir ensemble une doctrine partagée sur la dette, qui nous permette de parler d’une seule voix dans les enceintes internationales. C’est cette voix commune qui pourra contribuer à la réforme de l’architecture financière mondiale », conseille le Président du Conseil.
Les ministres et experts, devront alors réfléchir, à une position commune de l’Afrique sur la dette qui intègre les différences et les disparités de nos pays, comme l’a prôné le ministre togolais de l’économie et des finances Essowè Barcola. « Les dynamiques de croissance, l’exposition aux chocs exogènes mais aussi les niveaux d’endettement, les conditions de financement, variables d’un pays à l’autre, doivent être prises en compte, dans les analyses et discussions », a indiqué le grand argentier du gouvernement togolais.

Selon les organisateurs, la Conférence de Lomé devrait faciliter l’échange de connaissances et de pratiques innovantes entre les pays africains, permettant ainsi un apprentissage mutuel des expériences réussies. Ceci permettra à la formulation d’une position commune africaine sur les réformes nécessaires de l’architecture financière mondiale en vue de donner au continent une voix unifiée dans les forums internationaux. On évoque aussi l’élaboration des mécanismes innovants de financement de la dette qui permettront de mobiliser les ressources nécessaires tout en préservant la soutenabilité financière. « Enfin, elle explorera et promouvra les pratiques saines de gestion de la dette qui garantiront la viabilité à long terme des finances publiques africaines », fait-on savoir.
Selon le programme indicatif de conférence, la journée de ce mardi est consacrée à l’examen du rôle crucial des Parlements dans la supervision de la dette publique, une dimension souvent négligée mais essentielle pour garantir la transparence et la redevabilité. « Les discussions porteront également sur l’amélioration des notations de crédit africaines, un enjeu majeur pour l’accès aux marchés financiers internationaux », note-t-on.
Il est attendu l’adoption d’une déclaration de Lomé, un document qui incarnera la vision commune africaine sur la gestion de la dette. Il établira les principes directeurs pour une gestion responsable et durable de la dette publique sur le continent. A en croire les organisateurs, cette déclaration inclura également une position commune africaine sur la réforme de l’architecture financière mondiale, donnant au continent une voix unifiée dans les négociations internationales. « La conférence produira un ensemble de recommandations détaillées sur les pratiques saines de gestion de la dette publique, adaptées aux contextes spécifiques des pays africains. Elle proposera également des mécanismes innovants de financement qui permettront aux États de mobiliser les ressources nécessaires à leur développement tout en préservant leur stabilité financière », indique-t-on.
Ali Samba